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Par Joël Léon

Le 14 mai dernier a consacré la «marche-arrière» d'Haïti, point. Un triste retour à la réalité qui a prévalu dans le pays avant le « mouvement de 1946 », quand des hommes, à cause de leur épiderme, furent condamnés par l'élite bourgeoise à être des « intouchables » dans leurs propres pays, où ils représentent plus de 95% de la population. Ceci pour dire qu'il y a eu une contradiction profonde entre les pratiques discriminatoires d'avant 1946 et l'idéal égalitaire de Jean Jacques Dessalines introduit dans les mœurs haïtiennes le 1er Janvier 1804. Le mouvement de 1946, quoique kidnappé et détourné par les « noiristes » et les « pragmatiques », s’était fait, il faut le signaler, à titre de simple rectification d’un mal coloriste historique, avec comme principe fondateur «tout homme est un homme ». Cette rectification renvoyait à la question historique et percutante du fondateur d'Haïti: « Et les pauvres nègres dont leurs pères sont en Afrique, n'auront ils donc rien ?». Ceci dit, il n’y a pas à redire de l'essence idéologique progressiste du mouvement de 46 de transformer « la condition humaine ».

L'accession de Michel Martelly à la présidence met fin à l'illusion nationale et progressiste des années 90, la brève période où le peuple qui chassa la dynastie duvaliérienne du pouvoir en 1986, jouait son rôle historique de faiseur d'histoire en plaçant triomphalement au pouvoir Jean Bertrand Aristide, le prêtre des pauvres. L'expérience n'a duré que sept mois. Le vautour du nord, dans sa gloutonnerie coutumière avait en effet fait appel à ses sbires armés en uniforme. Le résultat fut catastrophique sur le plan humain : plus de 5000 cadavres en trois ans de répression sauvage et des milliers de déplacés, prisonniers, torturés...sans mentionner l'exode massif des cadres techniques et politiques vers les cieux plus cléments des États-Unis d'Amérique et du Canada. Le « retour à la démocratie » organisé en octobre 1994, sous le manteau des Nations Unies, en réalité des Américains, avait été totalement piégé. Le président (légitime) ramené dans les fourgons de l’armée américaine avait les mains et pieds liés; visiblement l'international était aux commandes. Les bourgeois haïtiens gagnèrent encore. Ceux-là qui complotèrent à hauteur de plus de 30 millions de dollars pour la perpétuation et l'exécution du coup d'état de 1991, reçurent des primes pour leurs forfaits. L'USAID avait loué la résidence du leader putschiste, Raoul Cedras, pour la somme de 120.000 dollars américains par an. Aujourd'hui encore, M. Cedras perçoit cet argent après qu'il eut été déclaré « combattant de la liberté » par l'ancien président américain Jimmy Carter en 1997.

Les bourgeois de souche européenne et arabe qui maintiennent les descendants d'esclaves haïtiens dans une crasse insupportable tout en vivant dans un luxe insolent, ont ouvertement repris du service en Haïti le 14 mai dernier, pour prendre leur ultime revanche. Haïti est parmi les rares pays capitalistes, si ce n'est pas le seul, où les composantes de la classe dominante sont viscéralement contre tout processus de production massive de biens au profit de l'importation à outrance et combat toute tentative de fiscalisation et de réglementation de leurs activités « commerciales ». Les riches ne paient pas en Haïti, ils ne créent pas de jobs non plus ; par contre ils complotent en permanence contre toute expression de changement dans le pays. Ce comportement a conduit le peuple haïtien à vivre dans la honte de deux invasions militaires, suivies d'occupation, en une seule décennie.

Le dernier coup d’Etat et coup de massue à la volonté populaire a eu lieu en février 2004, l'année même marquant le bicentenaire de l'indépendance nationale. La mafia internationale s’empressa de placer ses pions au pouvoir, des hommes tels que: Gérard Latortue, René Préval et aujourd'hui Michel Martelly. D'où vient ce dernier?

Certains observateurs étrangers, dans leurs interventions, parlent d'un «phénomène Martelly». Il n'y a pas un phénomène politique Martelly en Haïti. Les chiffres ne plaident nullement pour un soi-disant homme extraordinaire. D'ailleurs, le fait d’avoir été élu président avec une infime minorité de la population, soit «15.23% de l'électorat», renvoie à la subconscience le réflexe d' un «petit chef d'état». Les conditions dans lesquelles ces élections ont été organisées sont du reste considérées comme une catastrophe. Sur le plan logistique, quoiqu’ayant eu près de 40 millions de dollars à sa disposition, le conseil électoral provisoire (CEP) a battu tous les records de brigandage aux urnes dans les annales électorales en Haïti, y compris durant l'époque des baïonnettes au 19e siècle. Sur le plan politique, balayant la principale force politique du pays, « Fanmi Lavalas», par des moyens illégaux et honteux, ces élections restent et demeurent une méprisable mascarade. Par-dessus le marché, l'arrogance de l'international à dicter sa loi expose à nu le scandale d'un plan anti-Haïti.

L'accession de Michel Martelly à la présidence est plutôt le résultat du cynisme singulier de l'international dans ses acrobaties agressives à contrôler l'espace haïtien. Les néo-colons des États-Unis, de la France, du Canada et du Brésil ont tout fait pour préparer la voie à l'émergence de la droite, peu importe l'homme, y compris l'insolent Michel Martelly, crédité de seulement «15.23% de l'électorat». Par contre, il y a des raisons normatives permettant d'expliquer cette marche-arrière politique d'Haïti.

En premier lieu, c’est l'incohérence flagrante d'une «classe politique» vieillie et fatiguée, d'ailleurs sans projets et enfermée dans une logique stérile de conquête du « pouvoir pour le pouvoir » engendre sa faiblesse et la fait sombrer trop souvent dans la pratique des volte-face (flip-flop). Depuis 2004, ceux qui font de la politique en Haïti abandonné leur raison d'être pour s'aligner totalement sur l'international. Ce qui a étrangement conduit à une uniformité répugnante chez les hommes politiques autour d'un soi-disant «idéal républicain», en chute libre partout dans le monde. Historiquement, il a toujours existé dans le pays un camp national où des gens vivaient encore mûs par l'idéal dessalinien. De nos jours ils sont ridiculisés partout, à l'étranger comme en Haïti. Cette référence indigène qui a toujours préservé l'âme nationale des assauts du «blanc» est en situation difficile et frise même la disparition.

Il y a aussi l'infantilisme idéologique et politique du secteur se réclamant du «camp progressiste», qui depuis 1986 s'autodétruit en commettant des bévues indignes du militantisme populaire. Mentionnons d'abord le fonctionnement anti-démocratique des cadres politiques de ce secteur, consistant à individualiser les décisions politiques ; comportement dû à un manque de pratiques démocratiques au sein des organisations et l'absence de toute expérience à partir des tâches pratiques. Le militant progressiste perçoit le camarade dirigeant comme un adversaire, parce qu'il n'a jamais reçu au sein d'une organisation l'éducation nécessaire relative à l'importance d'une culture de discipline et de respect vis-à-vis des dirigeants organisationnels. Le cadre politique, jamais intégré dans aucune structure digne de ce nom, se positionne en fonction de ses intérêts et rêves personnels dépourvus d'essence populaire et patriotique, l’éloignant ainsi davantage des vrais militants. Cet état de choses a conduit partiellement à l'échec des expériences de 1991 et de 2004. Le pouvoir n'était pas conçu comme une expérience politique en mutation, pour la première fois entre les mains des masses. Au contraire, il était perçu comme une pratique gouvernementale traditionnelle où les luttes d'influence ont noyé l'aspect fondamental du processus en cours qu'étaient la consolidation du pouvoir et les revendications fondamentales des masses. L'ivresse du pouvoir conduisit à des luttes politiques intestines qui dépassèrent largement, au moins dans sa férocité verbale, l'hostilité à l'endroit des adversaires politiques de droite qui allaient assassiner, faire disparaître et emprisonner sous la torture des milliers de militants en 1991 et en 2004.

Le gouvernement qui vient de quitter le pouvoir le 14 mai dernier est responsable de la vassalisation de toutes les institutions nationales et de la perpétuation de l'occupation. Sans la présence des forces multinationales, l'ancien président René Preval n'aurait pu terminer son mandat. Aussi, il a accepté sans considération aucune toutes les dictées de l'international en échange de pouvoir conserver le pouvoir après la fin de son mandat, en devenant premier ministre à la manière de Vladimir Putine en Russie et, en plaçant Jude Célestin, son beau-fils, au palais comme président. L’ironie, c'est que l'ancien président n'était pas suffisamment de droite. Aussi, l'international lui a préféré Michel Martelly au détriment du candidat du président sortant.

L'accession de Martelly au pouvoir est un paradoxe. Arrivé en 3e position après les premiers résultats préliminaires du CEP, le candidat de Repons peyizan bénéficiait de l’intervention de l'ambassadeur américain et des instances internationales qui ont contraint publiquement l'institution électorale à revoir sa copie pour parachuter Martelly au second tour. De mémoire d'analyste politique, je n'ai jamais vu un comportement aussi vulgaire et brutal. Le président actuel a toujours été le valet de la bourgeoisie haïtienne, d'ailleurs il s'en est toujours enorgueilli. Donc, sa prise de pouvoir marque le retour brutal de la réaction aux affaires, cette fois-ci sans intermédiaire. Son premier acte majeur officiel a été la désignation d'un premier ministre. Comme on s'y attendait, il a fait choix d'un commerçant pour diriger le gouvernement, en la personne de Daniel Gérard Rouzier. Comme Martelly, M. Rouzier fut un grand artisan des deux derniers coup d'état dont ont été victime Jean B. Aristide et le peuple haïtien. Voilà qu’aujourd'hui on le présente comme un légaliste et un démocrate convaincu, quelle ironie!

M. Rouzier se veut un modernisateur qui a réussi dans le business, c'est à dire un grand bourgeois. Cependant, E-power, une petite compagnie d'électricité dotée de 30 mégawatt, créée par le premier ministre désigné au coût de 57 millions de dollars respecte la logique traditionnelle en mettant sa production électrique au service de la « république de Port-au-Prince ». Ne pouvait il pas créer une plus grande compagnie, lorsqu'on considère qu'un bourgeois comme Gilbert Bigio est à la tête d'un empire de plus d'un milliard de dollars à lui seul ? Des amis étrangers éprouvent toujours beaucoup de difficultés à comprendre la logique minimaliste qui anime les élites haïtiennes. Comment est-ce qu’un pays qui s'est imposé à la face du monde comme « mère de toute liberté » a pu produire tant de minimalistes ? Donc, la décentralisation d'Haïti n'est pas pour demain. Transférer le pouvoir politique à la bourgeoisie haïtienne est une aberration dans un pays où la classe dominante a échoué lamentablement. Haïti est un pays d'importation qui dépense plus de 2.727 milliards de dollars américains annuellement pour l'achat de toutes sortes de biens à l'étranger pour la consommation locale. Parallèlement, le pays exporte à l'extérieur pour une bagatelle de 530.2 millions de dollars l'an.

D'après ce qu'on écrit, « Haïti est une économie de libre marché», donc capitaliste, et il est aussi normal qu'une poignée d'individus s'approprie légalement des richesses du pays. Pour créer ces richesses, les bourgeois ont besoin d'une force de travail qualitative et quantitative. Cela permet à des milliers d'hommes et de femmes de trouver un emploi, d’ailleurs précaire, afin de subvenir maigrement aux besoins de leurs familles : c’est là le seul «avantage» pour les masses. Les richesses d'Haïti sont confisquées par une poignée ne dépassant pas 20 familles, et le taux de chômage touche plus de la moitié de la population. Donc, la classe dominante haïtienne ignore tout de sa mission historique de créer des emplois. Pour la récompenser l'international et l'oligarchie ont décidé de remettre le pouvoir à ses représentants, en la personne de Gérard Rouzier, pour perpétuer davantage le pillage du pays et la paupérisation des masses.

Dans l’esprit de l'international et de la droite, la stratégie la plus compatible avec leur visées consiste à remettre le pays aux commerçants, surtout avec l'échec constaté de la classe moyenne au pouvoir depuis 1946. Cette nouvelle réalité va propulser les éléments de la classe intermédiaire, exclusivement noire, au bord de l'explosion. Le secteur public qui absorbe une grande majorité d'entre eux n'offre plus de sécurité. Sous prétexte de corruption qui a toujours marqué l'administration publique haïtienne et les pressions du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement va procéder à des révocations massives dans ce secteur. Donc, l'observateur lucide s'attend à un effet de boomerang. Une classe moyenne non-satisfaite, alliée à une masse de pauvres en guenille constitue une équation explosive qui, historiquement a toujours conduit à des changements en profondeur au sein de la société. On s'attend à une radicalisation des revendications populaires contre la gestion des riches. Pour freiner le mouvement, le gouvernement va procéder comme d'habitude à la répression sauvage des mouvements sociaux, déjà l'un des proches de Martelly s'organise dans ce sens.

D' après des informations dignes de foi qui circulent à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, le bras-droit de Martelly, Roro Nelson, croit qu'il est impossible de diriger Haïti sans avoir recours à une Milice. Pour cela, il est déjà en contact avec les dirigeants de différentes « bases »( groupes criminels) opérant à la capitale en vue de les coopter et de les domestiquer dans le cadre d'un projet de sécurité nationale. Le président lui-même n'a jamais caché son animosité à l'endroit des groupes sociaux et militants de gauche dans le pays. Ses ramifications avec l’extrême-droite pendant la période terrible du premier coup d'état de 1991 sont documentées. Participant à toutes les manifestations de soutien du groupe paramilitaire FRAPPH, il a été d'un grand support aux putschistes militaires en animant les rues avec de la musique et des slogans incendiaires contre le peuple qu'on massacrait. D'après le prêtre progressiste assassiné en 1994, Jean-Marie Vincent, Martelly patrouillait les rues avec les militaires au cours de la nuit à la recherche de militants Lavalas cachés. Il représente la droite brutale dans toute sa laideur. De toute évidence, les riches sont au pouvoir pour de bon!

Joël Léon

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Par: Fidel Castro Ruz

Le peuple haïtien avait tout à fait raison de protester et de s’indigner contre la Minustah ...

Voilà trois semaines, on a pu lire des nouvelles et voir des images d’Haïtiens, lançant des pierres et protestant indignés contre les forces de la MINUSTAH (Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti) qu’ils accusaient d’avoir transmis le choléra au pays à travers des soldats népalais.

La première impression qu’on en tirait, faute d’informations supplémentaires, était qu’il s’agissait d’une rumeur, née de l’antipathie que provoque toute force d’occupation.

Comment pouvait-on le prouver ? Beaucoup d’entre nous ne connaissaient pas les caractéristiques du choléra et ses formes de transmission. Les protestations cessèrent quelques jours plus tard, et on n’en parla plus.

L’épidémie suivit son cours inexorables, et d’autres problèmes, comme les risques découlant de la campagne électorale, occupèrent notre temps.

Des nouvelles dignes de foi et crédibles sur ce qui s’est vraiment passé, sont tombées aujourd’hui : le peuple haïtien avait tout à fait raison de protester et de s’indigner.

Selon l’agence de presse AFP : « Le fameux épidémiologiste français Renaud Piarroux a dirigé le mois dernier une enquête en Haïti et a conclu que l’épidémie est provenue d’une souche importée qui s’est étendue à partir de la base népalaise de la MINUSTAH. » Add a comment

Par Frantz Latour

«Haïti est un pur produit du colonialisme et de l’impérialisme, de plus d’un siècle d’utilisation de ses ressources humaines, d’interventions militaires et d’accaparement de ses richesses. Les Haïtiens ne sont pas coupables de leur pauvreté actuelle. Ils sont victimes du système imposé au monde. Ils n’ont pas inventé le colonialisme, le capitalisme, l’impérialisme, l’échange inégal, le néolibéralisme, ou les formes d’exploitation et de pillage qui affligent la planète depuis deux cents ans «.

Fidel Castro Ruz

 

Le 12 janvier 2010, quelques minutes avant cinq heures de l’après-midi les populations de Portau- Prince, Gressier, Léogane, Petit- Goave, Miragoane, Jacmel et des petites villes et localités avoisinantes s’apprêtaient à rentrer à la maison, comme à l’ordinaire, après une journée de dur labeur. Soudain, à 4 heures 53 minutes, une gigantesque secousse sismique pendant trente cinq agonisantes secondes jetait la panique et semait l’effroi parmi les habitants des zones secouées. Trente- cinq secondes qui ont ébranlé Haïti et ont fait de la capitale un amas de ruines, un immense champ de désolation, de cris, de douleur, de deuil et de désespoir. Un cataclysme d’une violence inouïe causait la mort de milliers de personnes. En date du 9 février 2010, Marie-Laurence Jocelyn Lassègue, ministre des Communications, confirmait un bilan de 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 million de sans-abri (Radio Canada. Nouvelles Internationales.10 février 2010).

 

Le bilan matériel a été catastrophique, la souffrance humaine infinie, le choc psychologique dévastateur. Autant le désarroi généralisé et une peur tétanisante étreignaient les cœurs, autant la population se trouvait brusquement dépourvue de points de repère, de bouée de sauvetage où s’accrocher, dépourvue de leadership, de mots d’ordre rassembleurs, d’autant que la catastrophe avait fait du premier mandataire de la nation un zonbi au visage blafard, hébété, hagard, un homme totalement incapable d’assumer ses responsabilités de chef de la nation.

 

Le séisme avait surtout frappé toutes les zones géographiques s’étendant de Pétion-Ville vers le sud jusque dans la ville de Jacmel, le long d’un trajet meurtrier et dévastateur. Partout la désolation, d’énormes amoncellements de pans de murs, de blocs de béton entremêlés de tiges de fer tordues par la violence de la secousse tellurique. Partout des cris d’épouvante, de stupeur. Partout des corps écrasés, broyés sous le poids des décombres. Partout des survivants courant dans tous les sens, éperdus, effrayés, comme faisant face à «l’abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel». Partout une odeur de chair vive happée par la mort. Ici et là un bras ou une jambe coincés sous une dalle de ciment. Des cris déchirants de parents impuissants, témoins des appels désespérés d’un enfant écrasé et mourant dans d’horribles souffrances. Partout le spectre hideux de la mort, partout une image catastrophique de fi n du monde.

 

Tous les repères de l’imaginaire haïtien habitué au panorama de Port-au-Prince s’étaient effondrés comme des châteaux de cartes : le Palais national siège par excellence du pouvoir convoité par nombre de politiciens, le Palais de Justice qui s’était écroulé recouvrant d’épaisses couches de poussière et de gravats des centaines de dossiers judiciaires certains sans doute très importants, la cathédrale de Port-au-Prince témoin de prestations de serment présidentielles rehaussées du traditionnel hymne Te Deum laudamus, l’immeuble dit des Contributions, le Pénitencier national lieu de détention témoin de la présence de prisonniers célèbres comme Joseph Jolibois et Georges Petit ou anonymes comme les centaines de jeunes des quartiers populaires embastillés au lendemain du coup d’Etat de février 2004 pour des raisons politiques.

 

A travers le monde la consternation était générale, l’émotion palpable sur toutes les chaînes de télévision. Un énorme élan de générosité accompagnait le peuple haïtien. De partout, et dans les premières heures, affluaient des notes de condoléances aux familles éprouvées, des prières, des mots de sympathie et d’encouragement à l’adresse des survivants. Au peuple haïtien on promettait tout l’appui matériel nécessaire qui devait être acheminé en force. Toutefois, les jeunes des quartiers détruits s’étaient déjà mis à l’œuvre. Les mains nues, de façon héroïque, ils essayaient de sauver des vies en tâchant de sortir les corps encore en vie de dessous les gigantesques amoncellements de béton, de ciment et de ferraille. Dès les premiers moments de la catastrophe, les contingents cubains déjà présents en Haïti depuis 1992 étaient les premiers à être à pied d’œuvre travaillant d’arrache-pied et sans relâche en apportant les soins d’urgence nécessaires, dans des conditions souvent extrêmement difficiles.. Les Haïtiens s’attendaient tout naturellement à ce que ce bel élan fraternel de solidarité médicale, se répète à tous les niveaux de la chaîne d’aide promise à Haïti.

 

Hélas non ! Le seul aéroport de Port-au-Prince par où devaient s’acheminer tous les secours était confisqué et occupé par des forces militaires états-uniennes qui bloquaient l’entrée de toute aide venant de l’extérieur au profit du débarquement de quelque 20.000 militaires on ne sait à quelles fi ns de « protection de la population » contre tout débordement «d’éléments marginaux » susceptibles de se livrer au pillage et aux pires violences. Des vols apportant du matériel de secours en provenance de la France, du Venezuela, par exemple, était interdits d’atterrissage sans forme de procès. La population déjà angoissée et terrassée par le tremblement de terre assistait effarée et impuissante à cet énorme et indésirable déploiement de soldats armés jusqu’aux dents, l’air à la fois menaçant et conquérant.

 

Entre temps, le gouvernement qui sans doute avait vu une bonne partie de ses membres durement affectés par le désastre, avait été néanmoins incapable de se ressaisir et de mettre sur pied une cellule de crise pour gérer la désastreuse situation, faute d’un capitaine compétent aux commandes du navire national en détresse. Les engins lourds pouvant assurer le déblaiement des carcasses d’immeubles effondrés et potentiellement sauver des vies humaines manquaient cruellement. On pouvait s’attendre à la présence d’un corps du génie états-unien qui aurait pu prêter main forte à un Centre National des Equipements (CNE) du reste anémique et mal organisé. Mais les forces et le commandement américains avaient d’autres chats à fouetter, d’autres préoccupations. Tant de vies auraient pu être sauvées si seulement le pays avait un gouvernement et un président à la hauteur du moment et soucieux de la population, si seulement le grand voisin du Nord avait voulu faire preuve d’humanité. La préoccupation était davantage militaire et géopoliticienne qu’humanitaire.

 

Les premiers jours, les premières semaines, même les premiers mois du désastre, il y a eu plusieurs équipes médicales et chirurgicales qui ont dû pratiquer des opérations du genre de celles qu’on voit dans un contexte de champ de bataille. Sans doute il y a eu des membres qu’il fallait amputer parce que menacés de gangrène. Mais dans l’euphorie de produire des statistiques, de paraître plus performant qu’un autre, il y a eu malheureusement des amputations inutiles qui ont laissé des handicapés dont, tragiquement, les autorités et instances médicales concernées n’ont eu cure de prendre soin. Autant de souffrances physiques, autant de traumatismes psychologiques qui ne verront vraisemblablement jamais aucun espoir d’être pris en charge de réhabilitation.

 

Plus le temps passait, plus il était évident que le gouvernement haïtien n’était pas vraiment soucieux de venir en aide à une population vivant dans des conditions quasiment infrahumaines, sous des tentes ou des bâches, ces dernières peu solides en cas de fortes intempéries. Le Champ-de-Mars, tout l’espace en face et aux abords du Palais National, le stade Sylvio Cator, la place de Pétion-Ville et tant d’autres sites ailleurs étaient devenus des camps de sinistrés auxquels s’intéressaient seulement des ONG totalement hors du contrôle de l’Etat haïtien et qui disparaissent quand la manne venue de l’étranger ne tombait plus dans leur escarcelle. Les conditions d’hygiène y sont encore déplorables, l’eau quasi inexistante de même que l’électricité, l’absence de cette dernière favorisant des attaques nocturnes par des voyous qui volent et violent au gré de leurs pulsions de délinquants dévoyés. Manifestement, l’Etat haïtien pourri de la tête au plus simple employé se fiche entièrement du sort de ces gens qui n’intéresse pas les politiciens, l’Internationale, la «bonne société», la société si vile, ni même l’Eglise.

 

A ce monde vivant sous les tentes dans des conditions si précaires, il a été fait des promesses de construction de logis «parasismiques », laissez-moi rire… Un an plus tard, malgré les millions donnés à Haïti aux bons soins des ONG que ne supervise pas l’Etat, les sinistrés n’ont encore vu que le soleil qui poudroie, l’herbe qui verdoie et les maisons promises dansant une folle sarabande en plein mirage «périsismique ». On sait maintenant que les millions envoyés par le Venezuela à titre d’aide lors des précédentes intempéries ont été siphonnés à travers on ne sait quel système de tortueux tuyaux collecteurs aux mains de truands pour faire la campagne électorale – à la mode américaine – du poulain du pouvoir. Ces coupe-jarrets n’ont jamais eu le jabot suffisamment rempli et ce n’est pas le malheur de milliers de démunis qui allait changer leurs habitudes goinfres.

 

En principe, la relocalisation des sinistrés devrait faire partie du plan de reconstruction ou de refondation des villes détruites, à commencer par la capitale. Il y a eu diverses réunions à ce sujet dont la dernière a eu lieu, on ne sait pourquoi, dans la république voisine. Des milliards ont été promis ou assignés à ces fi ns de refondation. Un an plus tard, on dit que moins de 5% de ces fonds ont été effectivement canalisés vers Haïti. On ne sait ce à quoi ont servi ces milliards puisque les sinistrés vivent encore en situation très marginale, en fait dans le dénuement et dans d’atroces conditions d’insalubrité. En réalité la question fait, ce mardi 11 janvier, l’objet d’une émission télévisée sur la chaîne CNN au programme AC 360º avec Anderson Cooper: « Où est passé l’argent ?» demande le présentateur.

 

Selon le Huffington Post en date du 10 janvier 2011, « Bien que les donateurs aient promis près de 10 milliards de dollars, le déploiement effectif du financement du programme [de reconstruction] a été atrocement lent et désordonné. Des discussions à propos de reconstruction permanente, durable de l’infrastructure et des logements planent encore dans les limbes politiques .... «. Même la CIRH fait remarquer que « la plupart des décombres du séisme gisent encore intacts dans les rues». Plutôt que d’utiliser les millions reçus à titre d’aide, Préval a préféré dilapider 29 millions de dollars à organiser des élections: la plus honteuse, pitoyable, rocambolesque et tragique expérience électorale dans l’histoire du pays.

 

En fait, rien du mépris post sismique de la population sinistrée et du pays n’est étonnant, car les traîtres à la patrie à la tête du gouvernement et la riche, salopard de élite argentée et dorée, étroitement inféodée à l’Internationale qui ont toujours travaillé en étroite collaboration avec les institutions internationales pour mettre le pays dans l’état où il se trouve sont ces mêmes misérables qui aujourd’hui sont maintenant en charge de la dite refondation. Refondation élaborée à Washington qui dans les faits a carrément écarté le gouvernement haïtien de la gestion des affaires qui a été confi ée à Bill Clinton. C’est dire le degré de dépendance et de «restavèktance» de la partie haïtienne qui à l’intérieur de la CIRH a accepté de se laisser attribuer moins de cinq millions du pactole des 300 millions de dollars US, représentant le total d’argent alloué pour la dite reconstruction. Minuscule portion acceptée sans broncher par les gros zouzounn de la flibuste économique haïtienne. Ce sont des firmes américaines qui ont raflé le plus gros du magot.

 

Clinton veut, à travers la CIRH, maintenir sinon renforcer la politique de la communauté internationale, des Etats-Unis en particulier et des institutions monétaires sous leur dépendance, celle consistant (1) à faire d’Haïti une pourvoyeuse de main-d’œuvre à bon marché (2) à appliquer les politiques d’ajustement structurel (PAS) dont le but est d’assujettir l’économie du pays au payement de la dette en y appliquant la maxime « exporter plus et gagner moins ». Les PAS préconisent : de bas salaires, une réduction draconienne des dépenses publiques (éducation, santé, logement, aide sociale, infrastructures…); le gel des salaires; l’élimination des subventions aux produits de première nécessité; l’abolition du contrôle des prix; les privatisations à l’avantage des grandes multinationales; le licenciements des travailleurs de l’Etat jetant des dizaines de milliers de travailleurs à la rue ; l’abaissement des tarifs douaniers, à l’origine du fait qu’aujourd’hui nous importons presque toute notre alimentation de base des Etats-Unis, alors que dans les années 1980, Haïti produisait 80% de sa nourriture. En ce premier anniversaire du tremblement de terre du 12 janvier 2010, voilà ce que recherchent Clinton et les pantins dont il tire les fi celles.

 

Evidemment, dans le cadre de la CIRH, Clinton patronne les intérêts des producteurs et entrepreneurs américains et des milliers d’ONG, parasites pour la plupart, faisant leur beurre en Haïti. Ce n’est certainement pas de reconstruction qu’il s’agit, au sens des intérêts et du relèvement structurel, social et économique d’Haïti. Et les élites économiques et sociales haïtiennes – renforcées depuis 2004 par une frange d’intellectuels mòfreze – qui ont toujours été à la traîne de leurs patrons européens et américains de façon à s’enrichir sur le dos de la majorité – ouvrière et paysanne – travailleuse et exploitée, ne peuvent qu’applaudir à la curée que nous préparent la CIRH et son PDG Bill Clinton, en ce premier anniversaire du mémorable tremblement de terre du 12 janvier 2010.

 

Nous ne terminerons pas ce devoir de mémoire sans rendre un hommage remarqué et mérité à la Brigade cubaine spéciale dépêchée en Haïti dès le 13 janvier. Voilà ce qu’en dit Fidel Castro dans l’une de ses «Réflexions»

 

«Nos médecins travaillent tous les jours dans 227 des 337 communes. En outre, au moins quatre cents jeunes Haïtiens formés comme médecins dans notre pays… travaillent maintenant avec les renforts que nous avons envoyés hier 13 Janvier, pour sauver des vies dans cette situation critique. Nous pouvons mobiliser sans efforts particuliers un millier de médecins et de spécialistes de la santé qui sont pour la plupart déjà en place et prêts à coopérer avec tous les États souhaitant sauver des vies haïtiennes et de soigner les blessés.

 

Beaucoup d’autres jeunes Haïtiens font actuellement des études de médecine à Cuba. Le chef de notre brigade médicale a informé: ‘‘La situation est difficile, mais nous avons déjà commencé à sauver des vies.’’ Tel était le message laconique qu’elle pouvait envoyer quelques heures après son arrivée le 13 à Port-au-Prince à la tête de renforts médicaux. Elle a informé plus tard cette nuit que les médecins cubains et les diplômés Haïtiens de l’école latino-américaine de médecine (ELAM) à La Havane ont été déployés dans le pays. Ils ont traité à Port-au- Prince plus d’un millier de blessés, après avoir transformé en unité d’urgence un hôpital qui ne s’était pas effondré et utilisé des tentes, le cas échéant. Ils se préparaient à installer sans délai d’autres centres de soins d’urgence. Ils ont commencé à travailler inlassablement, jour et nuit, dans des installations encore debout, dans des tentes, dans les parcs et les espaces publics, parce que les gens avaient peur des répliques sismiques.

 

Conformément à la position annoncée publiquement par Cuba, le personnel médical d’autres nationalités, y compris des Espagnols, des Mexicains, des Colombiens, ont travaillé dur avec nos médecins dans les établissements que nous avons improvisés. Des organisations comme l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et des pays amis comme le Venezuela et d’autres ont fourni des médicaments et une variété d’aide. Le personnel médical cubain et ses dirigeants, faisant preuve de conduite dépourvue de chauvinisme, ont catégoriquement refusé de tenir la vedette». En ce premier anniversaire de ce terrible tremblement de terre nous disons un merci fraternel aux membres de la Brigade cubaine.

C’est dans la souffrance et le recueillement que les Haïtiens, particulièrement ceux-là qui ont été douloureusement affectés par le séisme, commémorent aujourd’hui cette date inoubliable, l’impact apocalyptique de ces trente-cinq secondes qui ont ébranlé la nation haïtienne. Et tandis qu’elle se remettait de ses deuils, il lui est tombé dessus une sale épidémie de choléra apparemment apportée au pays par le contingent népalais de la Minustah et qui, tragiquement continue encore à faire des ravages dans la population. A tous les Haïtiens qui ont perdu des membres de leur famille tant lors du tremblement de terre que pendant l’épidémie de choléra en cours, le journal adresse ses plus vives sympathies. Il leur souhaite beaucoup de courage en cette année 2011. Haïti survivra à cette catastrophe et renaîtra de cet immense malheur.

 

 

Fidel Castro Ruz,

 

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deux grands présidents Haïtiens, J?B Aristide et J.J. DessalinesSélection mais pas d’élections ! » Un entretien exclusif avec l'ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide

«Ce qui se passe en Haïti est enraciné dans le colonialisme, le néo-colonialisme»
L’exil d’Aristide par la France et les Etats-Unis pose un problème juridique, de droit de l’homme et de racisme.
 
 
 Il y a deux semaines, j'ai mené une interview exclusive de deux heures avec l'ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide sur les collines de Johannesburg. Je me suis entretenu avec l'ancien président sur sa vie en exil forcé, de la situation politique actuelle d’Haït, et de son éventuel retour en Haïti. Ceci est un extrait de l'entrevue.
 

Nicolas Rossier (NR)

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«Honte à tous ceux qui, oubliant leur devoir envers la patrie, en appellent à l’étranger»

(«Proclamation au peuple et à l’armée», in Gaillard, Roger. La République exterminatrice. Quatrième partie: la guerre civile: une option dramatique.)

Le New York Times du 20 septembre 1911 avait annoncé, via un correspondant sur l’île Saint thomas, la mort d’Anténor Firmin survenue le 19, soit un jour avant. Loin de sa terre natale, celle qu’il aimait si profondément.

Né le 18 octobre 1850, cela fait déjà 160 ans, Firmin fut l’homme noir le plus éclairé de son époque. Sur le plan international, il est reconnu surtout comme celui qui a démenti la thèse raciste de Renan Arthur Gobineau qui proclamait « l’inégalité des races humaines » par son audacieux livre « l’égalité des races humaines ». Pour nous haïtiens, Antenor Firmin représente la pensée haïtienne la plus moderne et sensible aux masses de l’après indépendance, il l’a dit ainsi dans son livre: «En dédiant ce livre à Haïti, je les supporte tous à l’esprit, à la fois les opprimés d’aujourd’hui et les géants de demain ». Certains historiens pensent que le destin d’Haïti aurait pu être tout autrement si et seulement si Firmin avait accédé à la présidence. En réfl échissant sur les déboires qu’a connus le « Maestro », pour citer Price Mars, spécifi quement la rivalité l’opposant à Nord Alexis et l’exil forcé, il était clair que le 20e siècle allait être celui qu’il est. C’està- dire la déchéance programmée de la nation et l’impasse du symbole libérateur d’Haïti. L’intelligentsia a poignardé le rendez-vous historique en complotant l’échec de Firmin à la présidence. L’ingérence de l’Allemagne et des États-Unis contre lui inaugurait la politique qui allait conduire l’intelligentsia haïtienne à la déroute.

Anténor Firmin fut un autre genre d’intellectuels qui joignit « la pensée a l’action». Il prit cause pour Haïti et pour l’humanité entière, cristallisée dans sa défense académique et psychologique de l’idéal « tout homme est un homme ». Donc, Firmin a été a la fois un intellectuel « de l’universel », pour répéter Pierre Bourdieu, et un « intellectuel spécifi que », c’est-à-dire traitant les affres de l’homme tout en militant à trouver des solutions aux problèmes que confronte son peuple. L’autre parlerait d’un « intellectuel total » qui a su harmoniser le temps à l’espace.

A l’occasion de la commémoration des 160 ans de naissance de l’écrivain, Lesly Manigat et Michel Soukar, deux historiens, ont publié deux livres sur l’homme qui permettront aux jeunes d’aujourd’hui de l’apprécier d’avantage à un moment historique où l’on regretteencore son absence pour culbuter dehors les nouveaux « amiral Gherardi » présents dans nos rues. Malheureusement on n’a plus de productions de ce genre, notamment sur Jean-Jacques Dessalines, Jacques Alexis, Sylvain Salnave, Hammerton Killick et d’autres grands haïtiens qui s’étaient battus avec passion pour éviter l’hécatombe de l’occupation que nous vivons aujourd’hui. J’aimerais voir rééditer les oeuvres de Fréderic Marcelin, Justin Lhérisson, Fernand Hibbert, Antoine Innocent…Georges Sylvain, Damoclès Vieux, Edmond Laforest, Etzer Vilaire…romans et poésies de la génération de la ronde, tels que: «Thémistocle Epaminondas Labaster», «La vengeance de Mama», «Eliezer Pitit Caille»…Générations qui se révoltèrent contre l’ordre social et politique dans lequel les élites tenaient le pays.

Drôle de coïncidence, le fondateur de la nation haïtienne, Jean-Jacques Dessalines est assassiné le 17 octobre, Anténor Firmin lui-même, est né le 18 octobre. Le fondateur s’en va, le défenseur naît. Drôle de coïncidence, mais cela permet de faire d’une pierre deux coups. Qui plus est, il y a cette mystique qui relie Firmin à Dessalines, comme s’ils étaient de la même génération. Le dessalinien est toujours fi rministe. Cette symbiose Dessalines\Firmin est nécessaire pour libérer le pays et organiser la société de manière normative. L’un symbolise la grandeur, l’autre incarne l’intelligence et la science, deux facteurs indispensables à l’existence d’un grand peuple, vivant dans une grande nation. Toujours ouvert, il avait prédit juste sur la nation et ses sujets.

En 1885, Firmin avait prédit l’avènement d’un noir à la présidence des Etats-Unis, plus d’un siècle avant. En grand visionnaire, il avait écrit ce qui suit au sujet des Etats- Unis, et je cite : « Contrairement aux apparences, ce grand pays est destiné à frapper le premier coup contre la théorie de l’inégalité des races humaines. En effet, en ce moment même, les Noirs dans la grande république fédérale ont commencé à jouer un rôle de premier plan dans la politique des différents états de l’union américaine. Il semble tout à fait possible que, dans moins d’un siècle à partir de maintenant, un homme noir puisse être appelé à la tête du gouvernement de Washington pour gérer les affaires du pays le plus progressiste de la terre, un pays qui deviendra inévitablement, grâce à son agriculture et à sa production industrielle, le plus riche et le plus puissant dans le monde. Ce ne sont pas des rêveries utopiques. Nous n’avons qu’à considérer la participation croissante des Noirs dans la société américaine pour écarter notre scepticisme. En outre, nous devons nous rappeler que l’esclavage aux États-Unis a été aboli il y a vingt ans». Ces idées datant de plus d’un siècle, Obama est devenu président de ce pays même autour duquel il avait fait le pronostique.

Anténor Firmin, trahi par beaucoup d’intellectuels de sa génération, a rendu l’âme sur un ilot qui ne fut pas le sien. On ne lui avait pas permis de mourir dans son propre pays, pour lequel il a tant combattu, quel sacrilège ! Sténio Vincent et Callisthène Fouchard, deux intellectuels haïtiens, rallièrent le camp du vieux général, afi n d’empêcher un des leurs de gravir la première magistrature de l’état. On le voit encore aujourd’hui, des intellectuels transformés en valets de l’international pour subjuguer les esprits nationaux dans des initiatives vaines, relayant la soumission. Firmin est bel et bien mort il y a 89 ans, mais sa conviction et sa foi dans un pays pour tous demeureront pour toujours. Que les fortunés du savoir cessent de se battre pour une bouchée de pain, qu’ils se lancent dans le combat pour la reconquête de la dignité nationale !

joel leon

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