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Interview - Laurent Gbagbo, président de la République de Côte d’Ivoire, n’est plus intervenu dans la presse française depuis les évènements de novembre 2004 à Bouaké. Il s’explique aujourd’hui, dans son entretien avec ‘‘France soir’’, sur ses relations conflictuelles et leur évolution future, avec la France, Jacques Chirac, le nouveau gouvernement de Dominique de Villepin, la classe politique et les médias français. Il précise sa position sur l’ivoirité et évoque également l’ambition économique et régionale de son pays.


Comment expliquez-vous les massacres sanglants dans le Grand Ouest de la Côte d’Ivoire ?


Depuis 1960, c’est la bagarre entre les autochtones, propriétaires de la terre, les personnes chassées par le barrage de Yamoussoukro construit par Houphouët, et les étrangers qui avaient été employés comme main-d’œuvre du temps de la colonisation. A l’époque, il y avait trois millions d’habitants en Côte d’Ivoire et aujourd’hui il y en a plus de cinq fois plus : on ne peut pas étendre la terre. Quand survient la crise du 19 septembre 2002, beaucoup d’hommes armés burkinabés se sont attaqués aux autochtones, qui se sentent alors dépossédés de leurs terres. Et quand ils vont en brousse, on tire sur eux : ils s’en foutent de Gbagbo, ce qui compte pour ces populations, c’est de protéger leurs terres.


Les exactions touchent-elles également les intérêts des français ?


Les Français souffrent des pillages comme les Ivoiriens. Entre ces Français et les Ivoiriens, il y a une communauté de destin. Vous ne verrez jamais les Ivoiriens défiler en réclamant le départ des Français. Ils défilent en criant : «La force Licorne, dehors !», et ce n’est évidement pas la même chose. Dans le Grand Ouest, les gens estiment que c’est la force Licorne qui protège et ramène les Burkinabés. Et maintenant, ils sont armés.


Qui les arme ?


Je n’ai pas de réponse à toutes les questions. Celle-ci est troublante.

On présente votre régime comme timide défenseur des libertés…

J’ai été un farouche militant des libertés contre le parti unique d’Houphouët, et ce passé n’a pas laissé que des bons souvenirs en France, aussi bien à droite qu’à gauche, parce que Houphouët était très apprécié en Occident et surtout à Paris. Apparemment, le combat que j’ai mené ne plaide pas en ma faveur. Ce sont les services qui l’ont voulu ainsi parce que Houphouët a été l’homme de tous les services.


C’est la seule raison ?


Il y en a d’autres. Le directeur de cabinet d’Houphouët, jusqu’à sa mort, a été un Français d’origine martiniquaise. Le secrétaire général du gouvernement, c’était un Français. La secrétaire particulière d’Houphouët était une Française. Le directeur financier que j’ai nommé, moi en 2000, à la président de la République, c’est le premier directeur financier ivoirien nommé à ce poste. Ce combat, pour que chaque ministère ne soit plus dirigé par des Français, il plait ici. La Côte d’Ivoire n’a pas à se comporter en 2005 comme en 1960.


Est-elle condamnée à un face-à-face unilatéral avec la France ?


La France est notre partenaire historique. Et nous n’avons pas de raison de dire : «nous ne voulons pas de la France». Dans le monde d’aujourd’hui, néanmoins, nous ne pouvons pas nous condamner à avoir un partenaire unique. Ceux qui m’en veulent pour ça doivent comprendre qu’ils ont tort.

La France n’est plus, cependant, aussi privilégiée…

Pour la Côte d’Ivoire, ce n’est pas être contre la France que d’ouvrir ses relations à d’autres partenaires. Depuis que je suis président, je n’ai remis en cause aucun contrat français. Ni pour une petite, ni pour une moyenne, ni pour une grande société française. Et toutes les décisions que j’ai prises, hors appels d’offres, c’est pour favoriser des sociétés françaises. Je n’ai rien nationalisé. Alors, il y a quelque chose qui cloche tout de même dans l’opinion que la France me renvoie !


Vous êtes mal payé en retour ?


C’est le moins que je puisse dire ! Je demande simplement qu’on considère que je suis l’élu de la Côte d’Ivoire, qu’on le respecte. Je ne comprends pas comment l’état français, gaulliste de surcroît, peut justifier une aventure de putschistes foireux. Je ne leur plais pas et ils préféreraient d’autres gens à ma place ? A partir de ce moment-là, on peut se demander si la conception même du putsch n’a pas des ramifications jusqu’à Paris.


Pourquoi Houphouët a-t-il parrainé Ouattara ?


Houphouët voulait que Bédié devienne président de la République après lui. C’était son choix. Pourtant, il nomme Ouattara son «premier» Premier ministre. Houphouët a agi comme un vieux roi africain qui choisit toujours comme «bras droit» quelqu’un qui, par son origine, ne peut pas être roi : on n’oppose pas au roi celui qui peut prendre sa place. C’est constant dans les sociétés africaines. Houphouët meurt en décembre 1993 et c’est le président de l’Assemblé nationale, Bédié, qui devient président de la République. Ouattara hésite et finalement quitte la Côte d’Ivoire. Bédié s’empresse alors, pour protéger son pouvoir, de prendre des lois qu’on va appeler l’ivoirirté.


Vous en pensez quoi, vous de l’ivoirité ?


En 1994, Bédié introduit un projet de loi électorale pour les élections de 1995 qui définit les conditions d’élections à la présidence de la République. Ce projet dit que pour être candidat il faut être de père et de mère ivoiriens. Ce que je pense de l’ivoirité ? J’étais député et j’ai voté contre. En 1997, Bédié introduit le même texte mais sous forme de loi constitutionnelle. Le débat est reporté à 1998 : je vote encore contre. Fin 1999, Bédié est renversé et la Constitution de janvier 2000 reprend ce chapitre. Soumise à référendum, je vote pour la Constitution parce que notre pays n’en a pas : il était régi par des ordonnances constitutionnelles, héritées de la junte et catastrophiques du point de vue des libertés démocratiques. Mieux valait avoir une Constitution et aller aux élections.


Personne ne s’élève contre la constitutionnalisation de l’ivoirité ?


Aucun Etat africain n’a condamné cette Constitution parce que beaucoup des leurs sont marquées du sceau du nationalisme et rédigées de la même façon. Regardez le Gabon : le père Bongo veut donner des leçons, mais c’est un rigolo ! Pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être gabonais depuis au moins quatre générations. Depuis que je suis président, je n’ai jamais présenté de lois comme celles de Bédié sur l’ivoirité, contre les collabos des rebelles.

L’affirmation de la République est-elle le moyen pour la Côte d’Ivoire de s’émanciper durablement ?

La Côte d’Ivoire a un rôle majeur pour l’ensemble des pays de l’Afrique de l’ouest. Même pendant la crise, le pays attire les migrants. La Côte d’Ivoire a besoin de la paix, pas pour elle seule, mais pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. Donc, l’affirmation de la République de Côte d’Ivoire est aussi un moyen de la souveraineté africaine. Il ne faut pas handicaper la progression économique de la Côte d’Ivoire.


Attendez-vous un changement d’attitude du gouvernement Villepin ?


Oui, oui, bien entendu. Les pays d’Afrique ne peuvent pas ne pas choisir la démocratie comme mode d’expression. Parce que c’est la voie de tous les pays développés. Dans des pays où les nations ne sont pas encore totalement formées, et où il y a plusieurs modes de désignations des chefs qui s’entremêlent d’un peuple à l’autre à l’intérieur des mêmes frontières, le choix démocratique aplanit toutes les divergences. On ne peut donc pas aider à la démocratisation de l’Afrique quand on soutient des rébellions.

La France vous met toujours en colère !

Je suis choqué quand j’entends certains Français dire : «Gbagbo est légitime, mais c’est à cause de ceci ou cela que les gens ont pris les armes et il faut comprendre…». Il n’y a pas à comprendre. Dans le contexte de fragilité de l’Etat, au moment où nous sommes en train de créer une nation, on n’a pas à justifier une rébellion. Sinon, c’est la porte ouverte à l’anéantissement de tous les Etats africains.


La France empêche-t-elle votre pays d’avoir sa destinée ?


C’est le moteur intérieur de l’histoire des peuples qui crée la nation, pas les diktats extérieurs. Et c’est parfois la volonté d’un homme, comme pour la France en 1940, qui en décide. Qu’on nous laisse bâtir notre histoire, en transformant, après cette crise, la coopération en partenariat. C’est nous qui le demandons.

Est-ce réalisable avec le poids économique de la France en Côte d’ivoire ?

C’est tout ça qu’il faut modifier, progressivement, en se comprenant. Mais on ne peut pas empêcher une telle modification d’advenir


Avez-vous un problème personnel avec Jacques Chirac ?


Cet homme m’a beaucoup déçu. Je ne sais pas quels problèmes nous avons tous les deux. On ne se cause plus depuis novembre 2004. Cette crise avec la France a bien des secrets et je ne prétends pas en détenir pas en détenir toutes les clés l’Occident n’a pas vu venir la crise avec le monde musulman. Si l’occident ne se décolonise pas on risque d’aller cers des problèmes similaires avec le monde négro-africain. Pour la Côte d’Ivoire, il s’agit de la décolonisation des dirigeants français. On peut garder de très bonnes relations et en finir avec l’ère coloniale, avec les rapports de colonisateurs à colonisé.


Vous sentez-vous vraiment menacé par vos adversaires ?


Je me méfie d’eux. En décembre 2000, ils avaient essayé de me renverser. Puis en janvier 2001 avec tentative d’assassinat, et 2002 est la continuation d’une longue série, donc j’ouvre l’œil, et j’espère que c’est le bon.


source : France Soir

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